Pasifika : des îles dans la mondialisation

Séance 8 (26 avril) : Louis Lagarde (UNC) & Guillaume Molle (ANU), « Vestiges du quotidien : les îles océaniennes et la mondialisation au prisme de l’archéologie »

Vestiges du quotidien :
les îles océaniennes et la mondialisation au prisme de l’archéologie

La période du Contact occidental a longtemps été considérée comme le point de départ d’une « mondialisation » à laquelle les sociétés océaniennes auraient été, assez passivement, soumises. L’anthropologie historique a pourtant su renouveler notre vision de ce monde océanien désormais partagé en s’intéressant plutôt aux processus dynamiques à l’œuvre depuis le 18^ème siècle. L’archéologie, à la fois en tant que science de la longue durée et science du quotidien, participe aussi d’une meilleure connaissance des périodes missionnaires et coloniales. En s’attachant à la matérialité des manières de faire et de vivre, l’archéologie dite de la période historique est à même de documenter les apports extérieurs, les emprunts à l’Occident, des transformations donc, mais aussi la perpétuation de traditions et des formes de résistance au changement. Loin d’une image simpliste et linéaire d’une acculturation supposée, l’archéologie témoigne ainsi de l’agentivité des acteurs, des deux côtés du rivage.

Nous traiterons de ces processus au travers deux cas d’étude : le premier concerne l’étude du village missionnaire catholique de Hokikakika sur l’atoll de Fakahina aux Tuamotu ; le second porte sur l’archéologie de la période coloniale en Nouvelle-Calédonie. Nous mettrons en évidence certaines similitudes entre ces deux régions, avant de proposer quelques pistes d’exploration pour les années à venir.

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LAGARDE, Louis, NOLET, Émilie, et MOLLE, Guillaume. Hokikakika: History and Archaeology of a Catholic village in the Eastern Tuamotus. Journal of Pacific archaeology, 2020, vol. 11, no 2, p. 74-89.

Séance 8 (26 avril) : Louis Lagarde (UNC) & Guillaume Molle (ANU), « Vestiges du quotidien : les îles océaniennes et la mondialisation au prisme de l’archéologie »

LAGARDE, Louis, NOLET, Émilie, et MOLLE, Guillaume. Hokikakika: History and Archaeology of a Catholic village in the Eastern Tuamotus. Journal of Pacific archaeology, 2020, vol. 11, no 2, p. 74-89.

Séance 7 (12 avril) : Régis Boulat (UHA), « Peugeot et « l’automobilisation » des Tahitiens : le cas de la concession Solari ( 1961-1975) »

Alors qu’en 1960 le parc automobile polynésien n’atteignait pas les 4 000 véhicules, une étude de l’ISPF montre qu’en 2017, 77% des ménages possèdent une voiture (contre 84% en métropole) voire deux (28% des ménages) et qu’ils consacrent en moyenne 18% de leur budget au poste « transport », principalement pour acheter, entretenir et assurer leur(s) voiture(s). Si la place de la voiture, très importante (6 500 à 7 000 immatriculations de véhicules neuf en 2023), pallie l’insuffisance des transports collectifs tahitiens dans le cadre des déplacements quotidiens liés au travail ou à l’école et diffère toutefois selon les archipels, on a donc assisté, comme en Europe ou aux Etats-Unis, à une «automobilisation » progressive de la société polynésienne. Par « automobilisme » on entend « toute la civilisation qui s’est constituée autour de cet objet » tout à la fois symbole de liberté et d’ascension sociale, de progrès et de modernité.

Les constructeurs asiatiques et américains sont aujourd’hui omniprésents mais pendant les années 1960 et 1970, c’est la firme Peugeot qui immatriculait le plus de véhicules via son concessionnaire exclusif depuis 1928, les Ets. Solari. La Direction de l’Après-vente de l’entreprise sochalienne faisant effectuer régulièrement – tous les deux ou trois ans- une inspection approfondie de sa concession, il nous est possible grâce aux Archives de l’Aventure Peugeot Citroën DS, de prendre la mesure du développement des Ets. Solari et, plus largement, le pouls du marché automobile dans son ensemble jusqu’à la fin des années 1970. Comment passe-t-on d’une maison de commerce important de nombreux produits à l’amorce d’un réseau succursaliste ? Quelles sont les difficultés auxquelles la marque au Lion est confrontée ? Qu’est-ce que cette évolution nous dit de la croissance de l’économie et de la « modernisation » de la société polynésienne dans un contexte marqué par l’arrivée du CEP ?

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Séance 6 (22 mars) : Florence Mury (MSH-P), « Océanie ou “triangle polynésien” : quelle échelle légitime pour le régionalisme culturel en Polynésie française ? »

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Résumé :

En Polynésie française, le « Triangle polynésien » apparait régulièrement comme un espace de référence pour penser les proximités culturelles à une échelle macro-régionale, débordant le cadre des archipels et les frontières des États du Pacifique. Les représentations de l’Océanie dans certains événements culturels sont ainsi parfois limitées à l’espace couvert par ce seul « Triangle » quand ce ne sont pas uniquement les sommets (Hawai’i, Aotearoa, Rapa Nui) et le « centre » de cette figure géométrique (qu’occupent avantageusement la Polynésie française et notamment les îles de la Société) qui sont mis en avant. Un tel biais reconduit un partitionnement déjà bien documenté, opposant la Polynésie à la Mélanésie et à la Micronésie. Surtout, il invisibilise, de fait, l’existence d’un régionalisme culturel défini à l’échelle de l’Océanie et théorisé depuis les années 1970 par des scientifiques et artistes tels qu’Epeli Hau’ofa, Albert Wendt et Teresia Teaiwa.

Dans cette communication, je me propose donc d’étudier le régionalisme culturel océanien comme une perspective minoritaire, cependant bien existante en Polynésie française, en cherchant à identifier les facteurs qui ont malgré tout permis à certain.e.s acteur.rice.s de rejoindre (parfois au sens propre d’un déplacement) ce mouvement, de le porter.

À travers l’exemple de la Polynésie française, il s’agira aussi de poser la question de la concurrence entre les échelles macro-régionales de l’énonciation culturelle, le régionalisme du « triangle polynésien » favorisant des réseaux, des affinités électives que le régionalisme culturel océanien contribue à remettre en cause. L’emboîtement des échelles, la possibilité pour le régionalisme culturel océanien de contenir les dynamiques associées au « Triangle polynésien », n’a dès lors plus rien d’une évidence. 

LECTURE PREALABLE

MURY Florence, 2020, « Le régionalisme culturel océanien : un impensé des études sur les renaissances culturelles », Belgéo [En ligne], n°4, p. 1-14.

Séance 4 (23 février 2024) : Manatea Taiarui (MSH-P), « Une modernité dangereuse ? Circulation d’une controverse scientifique internationale : les Polynésiens face au risque radiologique (1962-1974) »

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RESUME

Cette intervention montrera de quelle manière une controverse scientifique internationale sur le risque radiologique, qui divise la communauté scientifique mondiale dès les années 1950, est suivie par certains acteurs en Polynésie française dès la reprise des essais atmosphériques américains et britanniques en 1962 dans le Pacifique. Elle se poursuit pendant les tirs aériens français entre 1966 et 1974 et même au-delà, tant les données scientifiques évoluent comme les conditions sociales et politiques de leur réception. Les responsables polynésiens mais aussi des habitants constatent, en amont de l’installation du CEP, grâce à la documentation américaine et, paradoxalement, française, que le spectre radiologique des tirs aériens vient remettre en cause l’idée d’une modernisation heureuse et sans risque sanitaire que la France prétend offrir au territoire à l’occasion du CEP. Cette controverse conduit à ne pas considérer le public polynésien comme un tout : certains acteurs n’ont pas conscience du risque, tandis que d’autres préfèrent le minimiser voire l’occulter au nom de bénéfices de la « modernisation économique ». La circulation du savoir est ainsi cloisonnée et limitée au bénéfice de la France et au détriment des Polynésiens.

LECTURE PREALABLE

Boudia, Soraya. « Naissance, extinction et rebonds d’une controverse scientifique. Les dangers de la radioactivité pendant la guerre froide », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, vol. 25, no. 1, 2007, pp. 157-170.